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28 mars 2025 / Analyse financière / On Jase Ensemble

L’importance des terres agricoles au Québec : entre risque et sécurité

Le 26 mars dernier, nous sommes près de 160 participants à s’être rassemblé au Centre des congrès de Saint-Hyacinthe dans le cadre de la journée On Jase Ensemble où Nicolas Jobin, agronome chez Vision Gestion, et Gilbert Lavoie, agronome chez Forest Lavoie Conseil,  ont discuté sur la thématique, Terres agricoles : Risque ou sécurité.

 

Une hausse importante du prix des terres agricoles

L’une des premières constatations marquantes de la conférence fut l’augmentation fulgurante du prix des terres agricoles au Québec, particulièrement en Montérégie, où le prix moyen atteint aujourd’hui près de 56 339 $/hectare. Ce montant dépasse plus du double de celui observé dans des régions davantage axées sur les cultures céréalières, comme le Bas-Saint-Laurent ou l’Abitibi-Témiscamingue. En comparant ce prix à celui de régions à fort potentiel de rendement comme l’Ontario ou l’Iowa, on constate que les terres agricoles du Québec, et de l’Ontario se démarquent par une valeur exceptionnellement élevée. Même en comparant les terres céréalières du Québec à celles de la Saskatchewan, reconnue pour sa production de céréales, la valeur par hectare demeure plus élevée au Québec. Cette hausse soulève une question centrale : l’achat de terre représente-t-elle un risque ou un facteur de sécurité ? D’un côté, elle reflète l’attrait croissant de la terre agricole en tant que valeur refuge, avec un rendement estimé à 9,1 % sur 10 ans selon Financement agricole Canada (FAC). D’un autre côté, cette flambée des prix pose des défis en matière de rentabilité et d’accessibilité, notamment pour la relève agricole. C’est dans ce contexte qu’intervient le projet de loi 86, qui vise à encadrer plus strictement l’acquisition des terres agricoles, notamment en interdisant les achats par des fonds d’investissement ou des entreprises non reconnues comme exploitants agricoles.

 

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Des facteurs économiques à surveiller

Par ailleurs, la conférence a permis d’aborder plusieurs facteurs macroéconomiques ayant une influence directe sur le secteur agricole : tensions commerciales internationales, droits de douane, fluctuations des taux d’intérêt et du taux de change. En période d’inflation, les taux d’intérêt élevés compliquent les investissements agricoles. Bien que les prévisions annoncent une baisse d’ici 2026, l’incertitude demeure. Le taux de change CAD/USD, quant à lui, influence fortement le coût des intrants importés ainsi que la compétitivité des exportations agricoles québécoises.

Un des outils mentionnés pour évaluer la vulnérabilité des entreprises face à ces hausses de taux d’intérêt est le ratio Dette/BAIIA. Ce ratio mesure l’importance de l’endettement par rapport à la capacité de génération de profits. Un seuil critique souvent évoqué est de 8 : au-delà, l’entreprise devient particulièrement exposée à des risques financiers.

Qualité des sols, irrigation et résilience

Concernant les terres agricoles québécoises, elles peuvent ainsi représenter à la fois une source de stabilité et un facteur de risque, selon la situation financière propre à chaque entreprise. Dans cette optique, la conférence de Rosanne Chabot, directrice, aménagement des parcelles, chez Logiag, a mis en lumière l’importance cruciale de la gestion de l’eau et de la santé des sols. Elle a souligné le rôle essentiel de l’irrigation, du drainage et de la qualité des sols pour maximiser la rentabilité et renforcer la résilience des fermes. Ce sujet s’avère particulièrement pertinent dans le contexte des changements climatiques, qui rendent les extrêmes hydriques plus fréquents et plus imprévisibles. Une question pertinente a alors été soulevée : pourquoi le prix des terres ne reflète-t-il pas davantage leur qualité agronomique ou leur rentabilité réelle ? En effet, la spéculation foncière semble parfois déconnectée des performances agronomiques concrètes. En somme, une gestion efficace de l’eau devient indispensable pour faire face aux aléas climatiques et assurer une performance optimale.

 

Rentabilité: grandes cultures vs maraîchage

La dernière portion de la conférence s’est penchée sur la rentabilité des terres et les modèles d’affaires agricoles. Deux scénarios ont été analysés pour illustrer cette rentabilité : une ferme de grandes cultures (maïs-soya) et une ferme maraîchère. L’analyse a révélé que, pour une entreprise en grandes cultures, le seuil de rentabilité optimal à l’achat est d’environ 8 000 $/ha, tandis que pour une ferme maraîchère, ce seuil grimpe à 25 000 $/ha. Pourtant, il n’est pas rare que des agriculteurs paient un prix supérieur à ce seuil, notamment pour acquérir une terre voisine. Cela a toutefois des répercussions sur leur liquidité. Par exemple, pour un prix d’achat de 50 000 $/ha et un taux d’intérêt de 5 %, le déficit potentiel atteint 1 475 $/ha/an pour une entreprise de grandes cultures. Cela signifie qu’il faut générer beaucoup de surplus pour rentabiliser un tel achat. Ainsi, bien que stratégiquement souhaitable, l’achat de terres peut représenter un risque financier important en raison de la pression qu’il exerce sur la trésorerie de l’entreprise. Plusieurs outils d’accompagnement sont offerts au Québec, tels que les fonds de l’UPA et ceux de FIRA, pour soutenir financièrement la relève dans ce processus d’achat.

 

Préserver ce qui a été bâti, tout en regardant vers l’avenir

Enfin, la conférence s’est conclue sur la question de la structure corporative des entreprises agricoles, particulièrement en ce qui concerne l’intégration de la relève. Dans un contexte où la valeur des terres est élevée et pourrait continuer de croître, il devient essentiel de protéger le patrimoine des cédants. Un modèle de plus en plus valorisé est celui de la séparation entre entité « immobilière » (propriété foncière) et entité « opérante » (exploitation agricole). Ce modèle permet de sécuriser les actifs des cédants tout en facilitant l’intégration progressive des repreneurs dans la structure de production.

 

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